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Intestin irritable : Comment les probiotiques peuvent aider

Le syndrome de l’intestin irritable (SII) est un trouble gastro-intestinal fonctionnel courant. Il se caractérise par des douleurs abdominales récurrentes associées à des troubles du transit intestinal, sans qu’aucune anomalie physique ou chimique ne soit détectée.

En fonction de son expérience avec les selles, quatre sous-types ont été identifiés :

  • SII-D = avec diarrhée
  • SII-C = avec constipation
  • SII-M = mixte (alternance de diarrhée et constipation)
  • SII-I = indéterminé (selles normales)

Sa prévalence mondiale est estimée à 15 %, avec une incidence plus élevée chez les femmes et les jeunes adultes (1). Bien que le SII n’entraîne pas de complications graves à long terme, il affecte considérablement la qualité de vie et engendre des frais médicaux importants.

Les mécanismes physiopathologiques sous-jacents du SII sont complexes et multifactoriels, impliquant des prédispositions génétiques, des interactions anormales entre le microbiote intestinal, le système nerveux entérique et central, ainsi que des altérations immunitaires.

Les probiotiques, définis comme des micro-organismes vivants conférant des bénéfices pour la santé de l’hôte lorsqu’ils sont administrés en quantités adéquates, ont suscité de l’intérêt grâce à leur capacité à moduler cette relation complexe.

 

Microbiote intestinal et SII : une relation étroite

Le microbiote intestinal, constitué de milliards de micro-organismes résidant principalement dans le côlon, joue un rôle fondamental dans la santé. Il intervient dans plusieurs fonctions clés telles que le métabolisme des nutriments, la modulation du système immunitaire et la protection contre les agents pathogènes.

Inflammation et hyperperméabilité intestinal : en lien avec une dysbiose

Des perturbations de cette population microbienne, connues sous le terme de dysbiose, ont été observées chez les patients atteints de SII. Par exemple, les chercheurs ont noté une diminution de la diversité microbienne, avec une réduction du genre Bifidobacterium, et un excès de certaines espèces pro-inflammatoires appartenant aux Proteobacteria (2). Ces changements ont été associés à une altération de la fonction barrière intestinale et à une modulation aberrante de la réponse immunitaire, deux caractéristiques fréquemment observées chez les patients atteints de SII.

En effet, les personnes souffrant de SII présentent une inflammation de bas grade au niveau de la muqueuse intestinale, bien que celle-ci soit moins marquée que dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI). Plusieurs mécanismes ont été mis en cause, comme la perturbation de la production d’acides gras à chaîne courte (AGCC), plus particulièrement le butyrate, essentiel pour la santé épithéliale et l’activation chronique des cellules immunitaires de la muqueuse (3).

Une autre conséquence de la dysbiose dans le SII est l’augmentation de la perméabilité intestinale. Ce phénomène, également appelé « leaky gut » ou syndrome de l’intestin perméable, se produit lorsque les jonctions serrées entre les cellules épithéliales intestinales se distendent : la muqueuse intestinale ne remplit plus aussi efficacement son rôle de filtre, et de ce fait, de barrière protectrice. Cela permet aux toxines, antigènes, microorganismes et autres substances indésirables de traverser la barrière intestinale et de circuler librement dans l’organisme par la circulation sanguine. Conséquences : des réactions immunitaires et inflammatoires disproportionnées dans la muqueuse intestinale se déploient (4).

L’axe-intestin cerveau mis en cause

L’axe intestin-cerveau est une voie de communication bidirectionnelle entre le système nerveux central et le système nerveux entérique, influencée par le microbiote intestinal. Cette interaction implique des voies immunitaires, endocriniennes et nerveuses (5).

Dans le SII, cette communication est perturbée, ce qui exacerbe les symptômes neuroviscéraux du SII, tels que la douleur abdominale et les troubles de la motilité intestinale. Est notamment impliquée une modulation de la production de certains neurotransmetteurs comme la sérotonine (dont environ 90 % est produite dans l’intestin) ou encore le GABA (6).

 

Comment agissent les probiotiques en cas de SII ?

Les probiotiques, majoritairement des bactéries lactiques et des levures, agissent à travers plusieurs mécanismes pour restaurer l’équilibre du microbiote et atténuer les symptômes du SII.

Homéostasie du microbiote intestinal

Les probiotiques influencent directement la composition du microbiote en favorisant l’augmentation de bactéries bénéfiques, tout en inhibant la prolifération de micro-organismes pathogènes.

Par exemple, l’administration des genres Bifidobacterium et Lactobacillus permet d’élever la diversité microbienne, celle-ci étant réduite chez les patients atteints de SII. Cette restauration de l’équilibre microbien pourrait améliorer la fonction de la barrière intestinale et réduire l’inflammation locale (7).

Immunomodulation

Les probiotiques exercent des effets immunomodulateurs en régulant les interactions entre le microbiote et les cellules immunitaires de l’hôte. Par exemple, ils interviennent dans la production de médiateurs impliqués dans l’inflammation, réduisant les niveaux de cytokines pro-inflammatoires telles que le TNF-α et l’IL-6, tout en augmentant les cytokines anti-inflammatoires, telles que l’IL-10. Ces effets contribuent à atténuer l’inflammation de bas grade observée en cas de SII (8).

Renforcement de la barrière intestinale

Certains probiotiques améliorent l’intégrité de la barrière intestinale en modulant l’expression des protéines des jonctions serrées, telles que la zonuline et l’occludine, réduisant la perméabilité intestinale associée au SII (4).

Amélioration de la motilité intestinale

Les troubles de la motilité intestinale sont fréquents dans le SII, qu’ils se manifestent par de la diarrhée, de la constipation ou une alternance des deux. Certains probiotiques influencent la motilité intestinale en produisant des métabolites comme les AGCC, qui agissent sur les cellules musculaires lisses et les neurones entériques (9). Ils peuvent agir sur la réduction de la diarrhée, en régulant l’absorption d’eau et de sodium dans le côlon, ou sur l’amélioration de la constipation (7).

Effets sur l’axe intestin-cerveau

Plusieurs études ont exposé les effets psychotropes des probiotiques, capables de réguler la production de neurotransmetteurs comme la sérotonine et le GABA, et influençant ainsi l’axe intestin-cerveau. Par exemple, certains d’entre eux ont montré des effets anxiolytiques chez les patients souffrant de SII, ce qui pourrait atténuer l’hyperalgésie viscérale liée à la condition (10).

Quelles sont les preuves cliniques ?

Des méta-analyses regroupant de nombreux essais contrôlés randomisés, ont conclu que les probiotiques améliorent les symptômes globaux du SII, et de ce fait la qualité de vie des personnes en souffrant. En effet, ils atténuent la douleur et la distension abdominales, ainsi que la production de gaz intestinaux et les ballonnements. Ils aident également à normaliser le transit intestinal en améliorant la fréquence et la consistance des selles (11).

Il semble que les souches combinées soient généralement plus efficaces que les souches simples, en raison de leur capacité à cibler différents aspects de la physiopathologie du SII.

Des recherches ont démontré que Bifidobacterium infantis atténue les douleurs abdominales, les ballonnements et régule les troubles du transit intestinal chez les personnes souffrant de SII. Dans une étude clinique publiée en 2023, Bifidobacterium infantis a amélioré de manière significative les symptômes du SII après 8 semaines de traitement (12).

D’autres essais cliniques indiquent qu’une supplémentation en Lactobacillus plantarum soulage les patients souffrant de SII, en agissant sur les symptômes comme les douleurs abdominales, les flatulences, la diarrhée et la constipation mais aussi sur leur bien-être mental grâce à une amélioration de leur qualité de vie (13).

Dans un essai randomisé contrôlé de 2022, la levure Saccharomyces boulardii montre quant à elle des bienfaits dans la gestion du SII, notamment sur l’amélioration de la consistance des selles en cas de SII-D, mais aussi de SII-C et SII-M. De plus, elle réduit les douleurs abdominales (14).

 

Les probiotiques offrent une approche alternative prometteuse dans la gestion du syndrome de l’intestin irritable en raison de leur capacité à moduler le microbiote intestinal, à renforcer la barrière intestinale et à réguler la réponse immunitaire et neuroviscérale. Les résultats des études cliniques sont encourageants, bien que des recherches supplémentaires sont nécessaires pour identifier les doses optimales, et les sous-groupes de patients les plus susceptibles de bénéficier de cette approche. Les futures études devraient également se concentrer sur les mécanismes moléculaires sous-jacents et sur les interactions spécifiques des probiotiques avec l’axe intestin-cerveau.

LC

Références

Image : Freepik

(1) ZHANG et al. Global research trends in irritable bowel syndrome: a bibliometric and visualized study. Front Med (Lausanne). 2022, 9:92206

(2) PITTAYANON et al. Gut microbiota in patients with irritable bowel syndrome-a systematic review. Gastroenterology. 2019, 157(1):97-108

(3) NAPOLITANO et al. Gut dysbiosis in irritable bowel syndrome: a narrative review on correlation with disease subtypes and novel therapeutic implications. Microorganisms. 2023, 11(10):2369

(4) HANNING et al. Intestinal barrier dysfunction in irritable bowel syndrome: a systematic review. Therap Adv Gastroenterol. 2021, 14:17561756284821993586

(5) CRYAN et al. The microbiota-gut-brain axis. Physiol Rev. 2019, 99(4) :1877-2013

(6) GROS et al. Neurotransmitter dysfunction in irritable bowel syndrome: emerging approaches for management. J Clin Med. 2021, 10(15):3429

(7) KUMAR et al. Probiotics in irritable bowel syndrome: a review of their therapeutic role. Cureus. 2022, 14(4):e24240

(8) VIRK et al. The anti-inflammatory and curative exponent of probiotics: a comprehensive and authentic ingredient for the sustained functioning of major human organs. Nutrients, 2024, 16(4):546

(9) JIANG et al. The role of short chain fatty acids in irritable bowel syndrome. J Neurogastroenterol Motil. 2022, 28(4):540-8

(10) MARGINEAN et al. Gut–brain axis, microbiota and probiotics—current knowledge on their role in irritable bowel syndrome: a review. Gastrointestinal Disorders. 2023, 5(4):517-35

(11) YANG et al. Efficacy and safety of probiotics in irritable bowel syndrome: A systematic review and meta-analysis. Clin Nutr ESPEN. 2024, 60:362-72

(12) LENOIR et al. An 8-week course of Bifidobacterium longum 35624® is associated with a reduction in the symptoms of irritable bowel syndrome. Probiotics Antimicrob Prot. 2023

(13) KRAMMER et al. Treatment of IBS with Lactobacillus plantarum 299v: Therapeutic success increases with length of treatment – real-life data of a non-interventional study in Germany. Z Gastroenterol. 2021, 59(2):125-34

(14) GAYATHRI et al. Efficacy of Saccharomyces cerevisiae CNCM I-3856 as an add-on therapy for irritable bowel syndrome. Int J Colorectal Dis. 202. 35(1):139-45

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